Les outils destinés à être vus (gilets, brassards, pancartes).
Comme dans l’industrie, certaines équipes, dans le soin, ont décidé d’utiliser des moyens visuels pour limiter ou empêcher certains accidents d’arriver.
Alors un jour, dans le service, on décide de limiter les interruptions de tâches lors de la préparation médicamenteuse. C’est une excellente idée, puisque cet incident est vecteur d’erreurs médicales et même surreprésenté.
L’analyse de 14 études estime le taux d’interruptions de tâches à 6,7 par heure et par soignant (Biron, 2009)
Lors de l’administration de 4271 doses de médicaments, 53% d’entre elles sont interrompues (Westbrook, 2010). Sur 1015 déclarations attribuées aux distractions : 59,6% sont des erreurs médicamenteuses au cours de l’administration des médicaments (Feil, 2013)
C’est ainsi que l’on met en place un brassard ou un gilet jaune, connu de tout le service, lorsque l’on prépare les médicaments, afin de réduire le nombre d’interruptions de tâches.
Mais voilà… On me rapporte lors d’une formation que la fabuleuse idée s’est essoufflée et a capoté au bout de quelques mois.
La coupable ? C’est l’INHIBITION LATENTE.
L’inhibition latente, c’est quoi ?
L’inhibition latente, dite aussi effet Lubow (Doré 1984), désigne un concept de psychologie expérimentale décrivant la capacité à filtrer les stimuli, c’est-à-dire prêter moins d’attention à ce à quoi on est habitué.
Notre cerveau effectue un tri dans les influx sensoriels. Il nous rend conscients uniquement d’une partie, en enlevant les bruits, images et sensations de fond afin que nous ne soyons pas submergés par toutes ces informations et que nous puissions nous concentrer sur l’essentiel.
Si vous posez une voiture dans une rue des années 1890, elle aura l’attention de tous. Regardez vous encore les voitures passer avec admiration de nos jours ? (Pas toutes)
Alors, lorsque les brassards, gilets, pancartes (sur les portes de bloc) ne sont pas utilisés à des moments précis et limités dans le temps, au fur et à mesure, ils disparaissent (pour notre cerveau).
« Je ne vais pas enlever mon gilet pour aller aux toilettes quand même »
« On ne va pas enlever la pancarte à la fin de chaque temps fort de la chirurgie alors que l’on recommence la même opération dans quelques heures »
« Je garde mon brassard jaune, je vais juste boire un café »
En conclusion, signaler les tâches importantes et qui ne doivent pas être interrompues, c’est une excellente idée mais ne surutilisez pas vos outils.
Vous pourrez les choisir jaunes, bleus, verts et même fluorescents. Avec le temps, votre cerveau ne les distinguera plus et vous serez tentés de les abandonner.
Afin d’éviter cela, nous vous recommandons vivement la rédaction d’une charte par l’équipe qui souhaitera l’utiliser.
Ces outils « marqueurs » doivent vous sauter aux yeux le plus longtemps possible. L’objectif doit être clairement définit par l’équipe et être mesurable. Vous pouvez pour cela suivre votre évolution à l’aide d’un indicateur.